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Vers une société plus altruiste

6 juillet 2016 - New Delhi, Inde

Le Gyalwang Karmapa a prononcé aujourd’hui le discours d’ouverture d’un programme de trois jours intitulé ‘La compassion en action’. À l’initiative de ce programme se trouve un groupe de militants tibétains et indiens qui sont actifs dans le domaine social à Delhi et ses environs, et sont des défenseurs des droits humains et de la responsabilité universelle. Cet événement célèbre le travail d’une année, commencé lors l’anniversaire de Sa Sainteté le Dalaï-Lama l’an dernier et qui a impliqué 11 écoles et un millier de jeunes. Ils ont utilisé différents moyens créatifs pour explorer, partager et interpréter la notion de ‘compassion en action’, l’héritage de Mahatma Gandhi et de Sa Sainteté le Dalaï-Lama.

Le programme a été financé par ‘Lunar Energy’, un groupe d’artistes engagés dans le domaine social, et par l’organisation ‘Empowering the Vision’, dont la directrice, Yudron Aukutsang, souhaite la bienvenue à Sa Sainteté Karmapa. Elle explique que son organisation a pour but de responsabiliser la jeunesse et vise à permettre à de jeunes tibétains d’acquérir autonomie et dynamisme afin qu’ils deviennent des membres actifs de notre société mondialisée. Le groupe se concentre en particulier sur l’éducation et sur l’offre d’opportunités professionnelles. Elle remarque que tous ceux qui sont engagés dans le projet ont été touchés par le désir sincère qu’ont les jeunes de pratiquer la non-violence et la compassion.

Le programme de ce jour commence avec une représentation culturelle proposée par des élèves du Village des Enfants Tibétains de Majnu-ka-Tila, suivie d’une version courte d’une pièce de théâtre ‘Compassion en Action’, de Jaya Iyer, fondateur de ‘Lunar Energy’.

Au tout début de son intervention, le Gyalwang Karmapa dédie ses prières à Sa Sainteté le Dalaï-Lama à l’occasion de son 81e anniversaire, lui souhaitant une bonne santé et une longue vie, ainsi que l’épanouissement de ses activités et la réalisation de ses souhaits.

La présentation a pour sujet ‘une société compatissante’ et le Karmapa remarque que tout le monde a en lui de la compassion ou de l’empathie ; quand les gens voient quelqu’un qui souffre, ils se sentent concernés et veulent aider. C’est ce que le bouddhisme enseigne et de nombreux scientifiques souscrivent à cette idée.

Cependant, de nos jours, la violence est très répandue; nous sommes témoins de nombreux attentats à la bombe, de massacres, de guerres et de tant d’actes violents qu’il peut être difficile de croire que l’amour et la compassion existent naturellement dans le cœur de chacun. Le Karmapa explique que le fait d’avoir cette capacité naturelle ne suffit pas; elle doit être cultivée. Il est crucial de comprendre que nous vivons dans un monde interconnecté et interdépendant. « L’ère de l’information nous propose en continu des informations venues du monde entier, ce qui rapproche les gens ; mais les gens n’en restent pas moins égocentriques et polarisés sur ce qu’ils veulent pour eux-mêmes. Nous devons reconnaître cet état d’esprit et abandonner cette fixation étroite ; nous devons aussi apprendre à assumer des responsabilités pour les autres », dit le Karmapa.

2016.07.06

Il y a de nombreuses façons de comprendre ‘soi’ et ‘autre’, mais ce qui importe ici est de savoir combien notre existence dépend des autres. Il n’y a pas un seul être vivant qui ne dépende pas des autres. « Mais habituellement, comme nous pensons que nous sommes indépendants, nous faisons l’expérience d’une distance entre notre ‘moi’ et un autre ; nous ne reconnaissons pas que nous sommes une partie d’eux et eux une partie de nous. » Il est donc très important d’imprégner notre manière de penser de la notion d’interdépendance.

 

Nous sommes tous dotés de cette capacité fondamentale d’aimer les autres, mais la façon dont nous avons été élevés ainsi que notre éducation influencent notre esprit. Chacun de nous ressent et exprime l’amour et la compassion à des degrés divers, et nous pouvons aussi éteindre ou allumer l’interrupteur de l’amour. « Ce dont nous avons besoin, c’est de voir de manière juste, d’adopter une perspective juste basée sur le mode d’être des choses - mutuellement dépendantes les unes des autres. »

 

Le Karmapa utilise alors une analogie.  Pour rester en forme et en bonne santé, nous savons que nous devons faire de l’exercice physique tous les jours. De la même façon, il nous faut entraîner notre esprit pour amener la compassion et l’amour jusque dans notre cœur. Le Karmapa poursuit : « La compassion n’est pas qu’un sentiment ; elle nous permet de faire face à la souffrance avec courage. Il nous faut entraîner notre esprit à l’amour et à la compassion, non par un simple effort ordinaire, mais en nous engageant dans la pratique de façon intensive. » Au début, on peut faire un essai pour voir comment l’entraînement à l’amour et à la compassion fonctionne pour nous, puis, peu à peu, notre vie se transforme en une vie de compassion.

 

Le Karmapa conclut son intervention en renouvelant ses prières pour la longue vie du Dalaï-Lama, et en remerciant tous ceux qui ont organisé ce programme très utile. Il accepte ensuite de répondre à quelques questions du public.

 

La première question vient d’une enseignante qui demande comment elle peut aborder le sujet de la pratique régulière de la compassion avec des jeunes. Comment faire pour dénouer la fixation sur le soi ? Le système éducatif est, en effet, très axé sur la compétition pour l’obtention de bonnes notes et de performances élevées.

 

Dans sa réponse, le Karmapa évoque la façon dont les aptitudes  langagières se développent. Tout le monde a la capacité de parler une langue, mais si vous abandonnez un jeune enfant dans la nature sans aucun contact humain, cet enfant ne va pas apprendre à parler. De façon similaire, bien qu’un enfant ait cette aptitude naturelle à la compassion, il lui faut entrer en contact avec le langage de la compassion et de l’amour. Si nous pouvons raconter des histoires parlant de compassion, et si nous utilisons ces mots chaque jour, aussi souvent que possible, ceci même va façonner des schémas habituels et profonds dans l’esprit de l’enfant, qui peuvent entraîner une transformation. Le Karmapa ajoute que les enfants ne doivent pas être poussés ou contraints à adopter une attitude altruiste. L’expérience doit être joyeuse pour qu’ils choisissent la compassion avec enthousiasme.

 

« Quand j’étais enfant, mes parents parlaient de compassion, de la compassion qu’on devait avoir même envers de tout petits animaux ou des insectes qu’il ne fallait pas tuer », nous dit le Karmapa. Quand nous sommes jeunes, nous avons tous des animaux que nous aimons et dont nous nous occupons ; les enfants commencent par ressentir de l’amour et de la compassion pour ces animaux et puis ils peuvent étendre ces sentiments à d’autres animaux et d’autres enfants.

 

La question suivante concerne les artistes : ils rencontrent des conflits dans leur propre vie, mais, en général, les sujets qu’ils choisissent sont extérieurs à eux ; ainsi ils savent ce qu’est la souffrance et ce qui se passe dans la société. Comment les artistes peuvent-ils trouver une forme de guérison grâce à leur art?

 

Le Karmapa répond que l’art en général est un vaste sujet qui recouvre de nombreuses questions différentes. Quant à lui, il fait de la poésie, de la peinture et du théâtre et connait donc un peu la question. Souvent, quand nous parlons d’art, nous parlons de ce que nous montrons aux autres, que ce soit des tableaux, des spectacles ou d’autres formes d’art ; et nous avons fait beaucoup d’effort pour toucher les gens par notre travail. Une autre forme d’art, cependant, est un art intérieur qui vise à créer un esprit heureux, satisfait et harmonieux. Ces deux aspects devraient s’équilibrer.

« De nos jours, on considère qu’il est important que les artistes expriment des émotions par leur art ; pourtant, j’ai le sentiment que l’art peut aussi créer la paix intérieure et nous apporter le calme intérieur. C’est très important. Notre monde contemporain est agité, ce qui se reflète aussi dans nos émotions. » Il est donc important d’apporter paix intérieure et calme, et nous pouvons le faire grâce à l’art.

 

La question suivante porte sur la violence à laquelle le monde a récemment été confronté : comment y réfléchir et travailler avec?

 

Le Karmapa répond que, pendant le mois sacré du Ramadan, alors que les gens cherchent à accumuler des actes positifs et à éviter les actes négatifs, c’est un déchirement d’apprendre que 120 personnes ont été tuées en Irak, que des meurtres sont commis au Bangladesh - de tels meurtres n’avaient jamais eu lieu auparavant - et, en particulier, pour des gens qui sont religieux, avec l’attentat de Médine, un lieu très sacré de notre monde. En entendant parler de ces événements, nous sommes gagnés par la peur et même plus, par une très profonde tristesse ; ceci nous affecte particulièrement, nous tous qui suivons une religion, quand on voit de tels actes horribles commis au nom de la religion.

En tant que pratiquants d’une tradition religieuse, nous lui apportons notre soutien, et pourtant, la question de savoir si nous promulguons le véritable message de nos fondateurs est ouverte. Il n’est pas facile de transmettre leur message correctement et ceci est vrai de toutes les traditions. Personne ne nait terroriste ; ce sont les circonstances du monde contemporain qui font qu’on le devient, et pour cela, nous portons tous une responsabilité. En fait, notre responsabilité relative à notre façon de penser et à notre comportement est plus grande qu’auparavant. Et il est certain qu’on ne peut pas juste attendre que les autres deviennent pacifiques et se montrent compatissants ; il nous faut commencer par nous-même. Chacun d’entre nous doit accepter la responsabilité de travailler sur lui-même afin de devenir plus paisible et plus compatissant.

Si l’on se place du point de vue de ceux qui croient que nous avons été créés par le Tout Puissant, on peut dire que nous avons tous reçu le don particulier de pouvoir penser ; nous devons donc faire usage de ce pouvoir de penser, du pouvoir de notre propre compréhension, pour discerner ce qui est juste et ce qui est erroné. Par exemple, nous portons tous une part de responsabilité en ce qui concerne l’environnement de notre planète, et nous devrions tous y réfléchir.

 

La dernière question porte sur la relation entre la sagesse et son application pratique, la bodhicitta, dans le monde relatif.

 

En réponse, le Karmapa choisit de parler des enseignements bouddhistes classiques sur le non-soi (ou l’absence de soi) et la vacuité. « Il nous faut élargir notre façon de penser, aller au-delà de l’étroitesse d’un petit soi, et voir que nous ne sommes pas une seule entité isolée, mais que nous sommes relié à l’univers tout entier dans un réseau interconnecté. Quand nous disons « non-soi », ceci ne veut pas dire que le soi est annihilé et n’existe plus. Ce qui n’existe pas,  c’est un soi indépendant. » Quand on utilise le terme ‘soi’, nous faisons référence à quelque chose qui est profondément interconnecté avec l’univers tout entier : ce que nous appelons ‘je’ ou ‘soi’ n’est pas indépendant mais interdépendant. Quand on arrive à comprendre cela, alors la vacuité nous offre une qualité spacieuse et des opportunités continuelles. Le Karmapa explique : « La vacuité n’est pas seulement une position philosophique, mais elle contribue à réduire notre attitude égoïste et à accroître notre compassion. Elle transforme notre esprit et notre mode de vie. »

 

Le Karmapa termine sa présentation sur cette note positive. En remerciement, on lui offre une peinture venue de l’exposition présentée par les organisateurs ; puis toutes les personnes ayant travaillé au projet pendant toute l’année sont invitées sur la scène  pour une photo avec le Karmapa et pour recevoir sa bénédiction.

 

Au cours de la deuxième journée du programme, il y aura une discussion sur la compassion et les mouvements sociaux et le troisième jour une discussion autour de la compassion et de  l’éducation. Pendant les trois jours, on peut trouver à l’Alliance Française des expositions et des ateliers de création d’art visuel, d’art dramatique et de productions littéraires, proposés par les étudiants des 11 écoles participantes.

Enseignements :

La Compassion et la Véritable nature de l'Esprit

Le Guide de l'Environnement du Karmapa

Les 108 choses à faire pour l'environnement

Les déplacements du 17ème Gyalwang Karmapa

Le retour de Karmapa aux U.S.A.

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Le 19 mai 2008, dans la salle du Hammerstein Ballroom de New-york, le public était serré et enthousiaste : Tibétains, Chinois et Occidentaux, la plupart étaient disciples du précédent Karmapa. Le silence se fit plein de promesses, lorsque Dzogchèn Ponlop Rinpoché présenta le tant-attendu Karmapa Ogyen Trinley Dorjé…

Présentation du Karmapa aux Etats-Unis par Dzogchèn Ponlop Rinpoché, Principal organisateur de la venue du Karmapa aux Etats-Unis en 2008

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La première visite de Sa Sainteté le 17ème Gyalwang Karmapa, Ogyèn Trinley Dorjé, aux Etats-Unis est un événement historique et une occasion à la fois joyeuse et mémorable pour ses nombreux étudiants et amis dans le monde occidental. Sa Sainteté, qui est à la tête de l’école Kagyu du bouddhisme tibétain, est largement reconnue comme étant un des plus grands Maîtres spirituels de notre temps…

La vie en Inde

La vie en Inde

L’arrivée du Karmapa à Dharamsala bénéficia d’une couverture médiatique extraordinaire dans la presse internationale : The Associated Press, Agence-France Press, The BBC, CNN, NBC, ABC, CBS, The Economist, Newsweek, Time, The New York Times, The Times of India, the Hindustan Times, et la plupart des autres médias du monde entier.