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Le Gyalwang Karmapa conclut son enseignement sur le Soutra du Cœur

18 août 2016 – Hyatt Regency, Gurgaon, Inde

Pour cette dernière session du commentaire du Soutra du Cœur, le XVIIe Karmapa commence par une brève explication des différentes vues de la vacuité selon les trois écoles de pensée : la Voie du milieu, l’Esprit seul et Vide d’autre. Sa Sainteté explique que les différences entre ces écoles ont pour but d’aider les êtres à se défaire  de leurs perturbations.

Il est difficile de dire si ces écoles sont bonnes ou mauvaises, supérieures ou inférieures. Pour nous, l’essentiel est de nous familiariser avec leurs enseignements, ce qui peut nous aider à résoudre nos doutes. Autrement, certains vont dire que la Voie du milieu est la meilleure comparée à l’école de l’Esprit seul, ce qui ne semble pas être tout à fait vrai.

Cependant, c’est en fait de nous que dépend que la Voie du milieu soit bonne ou non. Si sa philosophie nous inspire véritablement et qu’elle nous permet de changer et de nous améliorer, alors elle est bonne. Si nous n’avons pas changé, nous pouvons toujours suivre les célèbres enseignements du mahamudra ou du dzogchen, ils seront tous inutiles. « Autrefois, au Tibet, il y avait un grand pratiquant qui a dit :’Connaître les enseignements du dzogchen ne suffit pas. Les gens eux-mêmes doivent devenir dzogchen.’ C’est un enseignement très important qu’il faut garder dans notre cœur, » dit le Karmapa.

 

Puis il revient au texte du Soutra du Cœur, et aborde la section qui présente les 12 facteurs interdépendants :

« Il n’y a pas d’ignorance, pas de cessation de l’ignorance, jusqu’à pas de vieillesse et pas de mort, ni cessation de la vieillesse et de la mort. »

On peut suivre ces 12 liens ou facteurs soit dans le sens des aiguilles d’une montre, auquel cas ils décrivent le processus qui nous piège dans la souffrance de l’existence cyclique ; soit dans le sens inverse, ce qui reverse le processus et nous libère du samsara.

Ce processus est visualisé sous la forme de la Roue de l’existence. Un soutra raconte que le Bouddha se manifesta sous la forme d’un peintre et dessina cette image, que l’on peut encore trouver de nos jours à l’entrée du temple dans les monastères. Au centre de la Roue, se trouvent les symboles du désir, de la colère et de l’ignorance : le coq, le serpent et le cochon. Le cercle suivant décrit les actes vertueux et non-vertueux, le tout représenté comme un chemin blanc qui va vers le haut et un chemin noir qui va vers le bas. Ensuite sont représentés les six royaumes de l’existence, et finalement, dans le cercle extérieur, les images des 12 liens. Yamantaka, le Seigneur de la mort, tient la roue, ses dents mordant la partie supérieure. À travers des allégories visuelles, la peinture illustre le fonctionnement des 12 liens.

 

Sur le bord extérieur, en partant du haut et en tournant dans le sens horaire, les voici :

l’ignorance - une vieille femme aveugle tenant une canne

les formations karmiques - un potier fabricant une poterie

la conscience - un singe au sommet d’un arbre

le nom et la forme (l’esprit et le corps) - soit un bateau avec un batelier soit une tente avec quelqu’un à l’intérieur

les 6 sens - une maison vide avec six fenêtres

le contact - un couple qui s’étreint

la sensation - une personne qui a reçu une flèche dans l’œil

la soif - un alcoolique buvant à la bouteille

la saisie - un singe qui cueille des fruits dans un arbre

le devenir - une femme enceinte

la naissance - une femme qui accouche

la vieillesse et la mort - un vieil homme qui porte un cadavre sur son dos

 

Sa Sainteté explique que la première étape est notre

ignorance, ou perception erronée, qui façonne les nombreux actes de la 2e étape,

les formations karmiques, qui, à leur tour, conduisent à notre

conscience qui est involontairement piégée dans le samsara et nous amène à avoir

un esprit et un corps, ou un nom et une forme, ce qui nous donne

les 6 bases ou sources des sens. Nous commençons à avoir

le contact avec le monde matériel qui apparaît comme les 6 objets des sens, et nous faisons l’expérience

des sensations, qui déclenchent

la soif (ou les désirs), conduisant à son tour à

la saisie, qui engendre

le devenir, et les souffrances de

la naissance, suivie de

la vieillesse et la mort.

 

En inversant cet enchaînement, nous le démantelons étape par étape, en remontant jusqu’à (1) l’ignorance, et nous nous libérons ainsi du samsara. Le Karmapa ajoute : « Dans ces images, c’est notre vie que nous voyons ; elles nous paraissent tout à fait   familières, non ? »

 

Le Soutra du Cœur poursuit et liste la négation des Quatre Nobles Vérités :

« de même, il n’est pas de souffrance, pas d’origine, pas de cessation, pas de chemin. »

Le Bouddha a enseigné les Quatre Nobles Vérités lors du premier tour de la roue du dharma, et elles sont le cœurde ses enseignements. Les deux premières vérités expliquent le samsara comme (1) souffrance (le résultat) et (2) l’origine de la souffrance (la cause). Les deux suivantes expliquent le nirvana comme (3) la cessation de la souffrance (le résultat) et (4) le chemin (sa cause).

 

Le Soutra du Cœur continue :

« Il n’est pas de conscience primordiale, pas d’obtention ni de 

non-obtention. »

Cette section renvoie aux mérites de la pratique. En bref, les bodhisattvas qui pratiquent sur le chemin voient leur sagesse croître, atteignent la réalisation et éliminent leurs perturbations.

Alors que les cinq agrégats, les 12 bases sensorielles et les 18 dhatus sont le fondement ordinaire et sont liés au samsara, les 12 facteurs interdépendants, les Quatre Nobles Vérités et les mérites de la pratique composent le fondement particulier et sont liés au nirvana. Ceux qui cherchent la libération ont tendance à être  fortement attachés au fondement particulier, mais ils devraient reconnaître que les 12 facteurs et les Quatre Nobles Vérités sont aussi vides. Ils ne devraient s’attacher ni au samsara ni au nirvana.

 

« Ainsi, Sharipoutra, puisque, pour les bodhisattvas, il n’est rien à obtenir, ils s’en remettent à la profonde Perfection de Connaissance et demeurent en elle. Puisque leur esprit est sans voiles, ils sont sans peur ; parvenus au-delà de toute erreur, ils ont atteint l’ultime nirvana. »

Comment s’exercent les bodhisattvas ? Sur le chemin de la vision, ils réalisent la nature de la vacuité ; comme cette réalisation fondamentale de la vacuité se poursuit sur le chemin de l’apprentissage, les bodhisattvas n’acquièrent pas de nouvelle réalisation de la vacuité. Ceci est le sens de ‘rien à obtenir’. Ils demeurent, s’en remettant à la perfection de la connaissance primordiale. Grâce à leur connaissance, ils ne font pas d’expérience erronée et leur confusion se dissipe. D’où : « puisque leur esprit est sans voiles ». Les bodhisattvas qui s’exercent sur le chemin s’en remettent à la pratique de la perfection de connaissance, qui est ce qu’ils atteindront ultimement. « L’esprit sans voiles » renvoie aux voiles du mental qui nous affligent et mènent à la confusion. Les bodhisattvas éliminent peu à peu ces voiles cognitifs et libèrent leur esprit.

Les bodhisattvas qui s’exercent ne sont pas comme les êtres ordinaires, les ‘auditeurs’ ou les ‘réalisateurs solitaires’. Les bodhisattvas, eux, peuvent faire face à la profonde vacuité, ils l’acceptent complètement et sans crainte ; d’où « ils sont sans peur ».

Ils sont aussi capables de se débarrasser des formes de confusion les plus subtiles, et donc : « parvenus au-delà de toute erreur, ils ont atteint l’ultime nirvana ».

 

Le texte continue :

« Tous les Bouddhas se manifestant dans les trois temps, c’est aussi en s’en remettant à cette Perfection de Connaissance qu’ils atteignent effectivement l’éveil parfait, insurpassable, authentique et totalement pur. »

Ces lignesexpliquent le chemin du non-apprentissage, l’obtention de l’état de bouddha. Le disciple de Nagarjouna, Aryadeva, a dit : « La perfection de connaissance est la seule chose qui mène à la porte de la libération, et c’est ce qui fait que la perfection de connaissance est suprême. » Tous les bouddhas du passé, du présent et du futur s’en remettent à cette connaissance primordiale qui réalise la vacuité pour atteindre l’éveil insurpassable. Il n’est pas un seul bouddha qui ne l’ait pratiquée pour devenir bouddha. « Les trois temps » signifie que peu importe de qui il s’agit ou quand une personne atteint l’éveil ; ils n’ont pas d’autre choix que de s’en remettre à la perfection de connaissance.

« Éveil » ici traduit le mot sanscrit bodhi qui veut dire ’se réveiller’ ou ‘se réveiller de’. En ce moment, nous errons dans un paysage de rêve créé par notre confusion. Quand nous devenons bouddha, nous nous éveillerons complètement de ce rêve. C’est ‘l’éveil parfait, insurpassable, authentique et totalement pur’.

‘Authentique’ ici distingue la réalisation du Bouddha de celle des ‘auditeurs’ et ‘bouddhas solitaires’ : ils ont aussi une réalisation, mais seule la réalisation du Bouddha est l’authentique et profonde réalisation de la vacuité, la perfection de connaissance. Et donc, elle est naturellement ‘insurpassable’ car il n’y a pas de résultat qui lui soit supérieur. Cette réalisation est celle ‘du parfait état de bouddha manifeste’.

La réalisation du Bouddha est ‘parfaite’ car elle est totalement libre d’erreur, ce qui veut dire que, non seulement le Bouddha comprend la profonde vérité des choses, mais aussi que sa connaissance est vaste et omniprésente ; seul le Bouddha a un tel éveil. Et il n’a pas seulement une compréhension parfaite de la profonde vérité de tous les phénomènes, mais une connaissance vaste et omniprésente. Ayant atteint le parfait éveil, un pratiquant atteint l’essence du dharmakaya et réalise parfaitement la vérité de tous les phénomènes. Cette parfaite réalisation - la réalisation ultime et pénétrante de la vérité - est obtenue en s’en remettant à la perfection de connaissance.

 

Le Karmapa traite maintenant le sujet des cinq chemins (de l’accumulation, de la jonction, de la vision, de la familiarisation et du non-apprentissage). Il remarque que,  quand ce sujet est mentionné, les gens se demandent souvent sur lequel ils sont. Mais ce n’est pas si simple. Ne serait-ce que pour entrer sur le chemin, les débutants doivent d’abord écouter et contempler, puis prendre refuge et après prendre les vœux de bodhisattva. Ensuite, nous cultivons la bodhicitta en exerçant notre esprit. Ici, ‘esprit’ veut dire bodhicitta ; on s’exerce donc à développer bodhicitta. Si l’on travaille dur, la bodhicitta va naturellement naître en nous, et à ce stade, nous sommes entré sur le chemin de l’accumulation ; sur ce chemin, selon la pratique du mahayana, un pratiquant maintient la bodhicitta tout en contemplant la vacuité.

« Si vous n’avez pas une bodhicitta non-fabriquée, vous n’êtes pas entré sur le chemin. Et la bodhicitta non-fabriquée requiert un grand courage. Si c’était facile, on n’appellerait pas les bodhisattvas ‘héros’ », remarque le Karmapa. « Les bodhisattvas ont un courage extraordinaire et sont capables de se sacrifier. Ce type de courage est très difficile à trouver; il nous faut donc pratiquer davantage si on veut éveiller la bodhicitta. Si nous entraînons notre esprit, il est possible d’avoir un tel courage. »

 

« Pourquoi appelle-t-on le Soutra du Cœur la quintessence de tous les soutras de la prajna paramita? » demande le Karmapa. À cause de sa structure qui englobe tout et de l’accent que le texte principal met sur la seule question essentielle pour tout pratiquant du mahayana : comment pratiquer la perfection de prajna ?

Du point de vue de la structure de la pratique, Avalokiteshvara expose d’abord la quadruple vacuité et les huit sens profonds pour expliquer comment comprendre la pensée de la perfection de prajna, et comment s’y entraîner. (C’est le fondement.) Il commence par appliquer la quadruple vacuité aux cinq skandhas, puis il relie à la fois la quadruple vacuité et les huit significations profondes aux 12 bases sensorielles, les 18 éléments (dhatus), les 12 facteurs interdépendants, les Quatre Nobles Vérités et le mérite de la pratique. (Ceci représente le chemin.) Finalement, il dit que, en s’en remettant à la perfection de prajna, tous les bouddhas atteignent l’éveil complet. (Ceci représente le fruit.) Donc, en peu d’espace, le soutra condense la totalité du mahayana en sa base, son chemin et son fruit.

 

En outre, remarque le Karmapa, dans le mantra, le soutra lie les cinq chemins des bodhisattvas. Le Soutra du Cœur est structuré en trois parties : le prologue, le texte principal et la conclusion. En somme, le Soutra du Cœur  est façonné comme un joyau étincelant, précieux et rare, qui peut être vu sous différents angles.

Cette section conclut la première partie de la réponse d’Avalokiteshvara (qui est la section 6, des 8 sections du premier exposé) qui s’adresse à ceux de moindre capacité. La deuxième partie de sa réponse, pour ceux de capacité supérieure, (section 7, l’explication) est le mantra :

« Voici donc le mantra de la Perfection de Connaissance, le mantra de la grande connaissance, le mantra insurpassable, le mantra qui égalise l’inégal, le mantra qui dissipe parfaitement toute souffrance ; ce n’est pas mensonge, il faut le reconnaître comme véridique. » (Le chinois ajoute : C’est un mantra secret.)

Les personnes de capacité supérieure peuvent comprendre la totalité de la base, du chemin et du fruit de la perfection de prajna en entendant le mantra. On classe souvent les mantras comme appartenant au vajrayana ; or, les soutras appartiennent au mahayana, mais ici on trouve les deux ensemble. Le mot sanscrit ‘mantra’ est composé de ‘man’, qui veut dire ‘comprendre’, et de ‘tra’, qui veut dire ‘secourir’ ou ‘protéger’. Puisque tous les bouddhas s’en remettent à la perfection de prajna pour atteindre le plein éveil, le mantra peut porter les deux sens de comprendre la vérité et de venir au secours des êtres. Le mantra est qualifié de ‘secret’ car il est si profond que les êtres ordinaires sont incapables de le comprendre.

 

En général, il y a plusieurs types de mantras, note le Karmapa. Les mantras mondains aident à accomplir des objectifs à court terme et à répondre à des requêtes spécifiques. On les trouve dans le monde entier et ils sont utilisés pour soigner des maladies, éviter la mauvaise fortune, prier pour la pluie, etc. Un autre type de mantra est la dharani, qui signifie ‘l’essence de’ ou ‘tenir’. Une dharani se trouve généralement à la fin d’un soutra et contient son essence même. Chaque bodhisattva, comme Avalokiteshvara, a sa propre dharani qui symbolise l’aspiration, la prajna, la compassion et toutes les autres vertus qui sont l’essence de ce bodhisattva. Le texte parle du mantra comme : … « un mantra de grande connaissance, un mantra insurpassable, un mantra qui égalise l’inégal, un mantra qui dissipe complètement toute souffrance. Ce n’est pas mensonge, il faut le reconnaître comme véridique. »

‘La grande connaissance’ renvoie à ‘prajna’, ‘prajna’ qui perçoit directement la vacuité ; vaste et omniprésente, elle voit la nature vide de tous les phénomènes. Aucune autre ‘prajna’ ne peut égaler la ‘prajna’ qui réalise la vérité, et elle est donc ‘insurpassable’. ‘Ce qui ne peut être égalé’ est la vacuité ; et ‘égal à ce qui ne peut être égalé’ est ‘le plein éveil’. C’est le trait qui caractérise ce mantra. Quel est son effet ? Le mantra ‘dissipe parfaitement toute souffrance’, ce qui signifie que ‘prajna’ tranche la racine de la souffrance. L’explication du mantra se termine en déclarant que la ‘prajna’ et la vérité qu’un tel mantra représente ne sont pas trompeuses et doivent être connues comme la vérité.

 

Le Soutra du Cœur continue :

 Il prononça alors le mantra de la perfection de prajna :

Tadyathā, oṃ gate gate pāragate pārasaṃgate bodhi svāhā

 

Dans un aparté concernant le monde moderne, le Karmapa commente que certaines personnes pensent faire de grandes choses juste en récitant le mantra. Le mantra représente bien ‘prajna’, mais si cette ‘prajna’ n’est pas active dans notre esprit, juste répéter les mots n’a rien de spécial. Si, en récitant le mantra, nous ressentons de l’inspiration, il peut aider ; mais si on le répète comme un perroquet, c’est inutile.

En revenant au texte, le Karmapa explique que le mantra est composé de six mots sanscrits. Quand les traducteurs traduisaient les soutras en tibétain, ils ont gardé certains mots en translitération et n’ont conservé que leur son. De même, nous avons vu précédemment que, si un mot avait trop de sens différents, il était conservé dans sa langue d’origine. Le Karmapa explique ainsi chaque mot du mantra : ‘gate’ signifie ‘aller vers l’avant’, ‘para’ signifie ‘l’autre rive’ (dans ‘paramita’ aussi ‘perfection’). ‘Sam’ signifie ‘déjà’ et ‘bodhi’ signifie ‘éveil’, tandis que ‘soha’ a de nombreux sens, tels que ‘vaste’ ou ‘perfection’. Le mantra complet peut se traduire ainsi : « Allez, allez, allez jusqu’à l’autre rive, arrivez à l’autre rive et atteignez rapidement l’éveil. »

Le Karmapa parle d’une série d’interprétations du mantra, notant que, puisqu’il contient l’essence de tout le soutra et de la profonde connaissance, sa signification est vaste. Les maîtres tibétains du passé, par exemple, expliquaient que ‘gate gate’ renvoie à aller vers la réalisation des auditeurs ; ‘paragate’ renvoie à la réalisation des bouddhas solitaires, et ‘parasamgate’ indique le fait d’arriver à la réalisation du mahayana. D’autres maîtres envisageaient le mantra du point de vue des trois portes de la libération ou des trois accès. ‘Gate gate’ se réfère au premier accès, celui de la vacuité ; ‘paragate’ indique le deuxième accès, être libre de caractéristiques; et ‘parasamgate’ fait allusion au troisième, être libre de souhaits.

Dromteunpa, un maître Kadampa laïque, écrit que la première porte renvoie au chemin de l’accumulation, et la deuxième, au chemin de la jonction. ‘Paragate’ s’applique au chemin de la vision, et ‘parasamgate’, au chemin de l’apprentissage. Finalement, ‘bodhi soha’ indique le chemin de la fin de l’apprentissage.

 

Faxian, un des premiers traducteurs chinois du soutra, écrit que ‘gate gate’ représente l’esprit du mahayana car nous ne pouvons pas avancer seul, mais avons besoin des autres pour progresser. Ainsi ‘gate’ est répété deux fois : la première fois pour nous-même, la seconde pour les autres. ‘Paragate’ indique l’autre rive ou vers où nous nous dirigeons. Le Karmapa remarque au passage : « Et si vous êtes batelier, le bienfait est plus grand si vous emmenez d’autres personnes avec vous. » ‘Parasamgate’ est l’autre rive elle-même ou ‘bodhi’. Finalement, grâce à la pratique de la perfection de prajna, nous arrivons au plein éveil, et donc ‘svaha’.

Maître Kukai (Kobo Daishi, ou Hong Fa en chinois) a emporté le vajrayana (connu comme ‘Shingon’) au Japon. Il explique que le premier ‘gate’ se réfère aux auditeurs et le second, aux bouddhas solitaires ; ‘paragate’ indique la pratique du mahayana, et ‘parasamgate’ la pratique du vajrayana. ‘Bodhi svaha’ indique comment toutes ces pratiques mèneront au parfait éveil.

 

Comme c’est un mantra secret, de nombreux maîtres du passé n’en ont pas parlé. Pourquoi Avalokiteshvara voudrait-il changer cela ? « Le mantra est secret et pourtant on en parle ; n’est-ce pas contradictoire ? » demande le Karmapa. En fait, il n’est rien que les bouddhas et bodhisattvas veulent garder secret. Ce qui différencie l’école fondamentale et le vajrayana, ce sont les pratiquants et leur compréhension. S’ils le comprennent, le mantra n’est pas secret ; s’ils ne comprennent pas, le mantra reste secret. Les Bouddhas et les bodhisattvas sont prêts à enseigner et à faire le bien des êtres sensibles ; le problème est que ces derniers ont fermé la porte principale et les bouddhas et bodhisattvas ne peuvent pas entrer.

 

Sur un mode plus léger, le Karmapa se tourne vers l’époque actuelle : « Les gens me demandent :’Où est mon gourou ?’ Ils veulent que je leur donne son nom, son adresse et son numéro de téléphone. Si c’était si facile, je vous aurais donné à tous le numéro de téléphone du Bouddha Amitabha! » Le problème est en nous-même, nous prévient-il. Notre aspiration pour le dharma n’est ni assez pure ni assez correcte ; c’est pourquoi nous n’arrivons pas à trouver un gourou. Il nous faut savoir que tous les bouddhas et bodhisattvas sont prêts à faire le bien des êtres. Ils sont juste derrière la porte, mais nous l’avons fermée. « Si la porte de notre dévotion et de notre confiance est ouverte, je suis sûr qu’ils vont se précipiter à l’intérieur pour nous aider, » nous rassure-t-il et il ajoute : « notre aspiration pour le dharma devrait être simple, ni trop complexe ni trop bizarre. »

 

Poursuivant son explication, le Karmapa remarque que peu nombreux sont ceux qui comprennent ce que veut dire le Bouddha en écoutant simplement le mantra, ce qui montre combien il est difficile de saisir son message. Avalokiteshvara conclut ensuite sa réponse sur la manière de pratiquer de ceux de capacité inférieure et supérieure :

« Sharipoutra, c’est ainsi que les Bodhisattvas Mahasattvas doivent s’exercer à la profonde Perfection de Connaissance. »

Cette ligne complète l’explication d’Avalokiteshvara, la 7e section, et conduit à la 8e section, celle de la réjouissance.

« Le Seigneur sortit alors de samadhi et acquiesça aux paroles du Bodhisattva Mahasattva, le noble Avalokiteshvara, disant : ‘ Excellent! Très bien, très bien! Fils de noble famille, c’est ainsi, c’est bien ainsi. La profonde Perfection de Connaissance doit être pratiquée comme tu viens de l’exposer. Et tous les Tathagatas s’en réjouirent. »

Cette citation peut être divisée en deux parties. La 1e, de « Le Seigneur sortit alors … » jusqu’à « comme tu viens de l’exposer », montre que le Bouddha acquiesce à la réponse d’Avalokiteshvara. Les cinq chemins des bodhisattvas doivent être pratiqués comme il l’a très correctement enseigné. La 2e partie de la citation « et tous les Tathagatas se réjouirent » montre que, non seulement le Bouddha et les bodhisattvas approuvent ce que vient de dire Avalokiteshvara, mais aussi tous les Tathagatas.

 

Le Soutra du Cœur se termine avec la 8e section, la réjouissance :

« Lorsque le Bouddha se fut exprimé ainsi, le vénérable Sharipoutra, le Bodhisattva Mahasattva, le Noble Avalokireshvara, tous ceux qui composaient l’assemblée, ainsi que le monde des dieux, des hommes, des titans et des muses se réjouirent et exaltèrent les paroles du Victorieux. » 

Tous ceux qui s’étaient rassemblés pour les enseignements ont reçu la réponse qu’ils recherchaient, ce qui est une raison de se réjouir et de louer les paroles du Bouddha.

 

Alors que ces enseignements sur le Soutra du Cœur arrivent aussi à leur terme, le hall résonne sous les applaudissements de gratitude. Le Gyalwang Karmapa remercie toutes les personnes qui l’ont aidé à préparer cet enseignement, puis il donne une courte cérémonie du refuge et conclut ses quatre jours de commentaire sur le Soutra du Cœur en donnant la transmission orale du texte en tibétain.

 

Durant ces quatre jours, Sa Sainteté a démontré son exceptionnelle maîtrise de la complexité du Soutra du Cœur, ainsi que sa capacité à pénétrer au cœur du texte et à en rendre le sens en termes accessibles à tous. Pour toutes les personnes présentes, écouter cette présentation directe a été le plus extraordinaire des privilèges.

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