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Une histoire étonnante : la recherche de la réincarnation de Tènga Rinpoché

21 mars 2017 - Monastère de Tergar, Bodhgaya (Bihar) Inde

Depuis que Kyabjé Tènga Rinpoché est décédé le 30 mars 2012, sa réincarnation (yangsi) est attendue avec beaucoup d’espoir et une profonde dévotion, en particulier dans la lignée Karma Kamtsang. Avant de fonder le monastère de Bènchèn au Népal, Tènga Rinpoché avait été le maître de rituel de Sa Sainteté le 16e Karmapa et il était renommé pour sa connaissance précise des cérémonies et pratiques du vajrayana.

 

Lors de son voyage en Allemagne, le Gyalwang Karmapa mentionna Kyabjé Tènga Rinpoché, le 30 août 2015 : « Ici en Allemagne, j’ai eu l’occasion de rencontrer brièvement de nombreux étudiants de Kyabjé Tènga Rinpoché et de partager quelques réflexions avec eux. Cela fait déjà quelque temps qu’il est parti, mais durant tout ce temps, ses étudiants et moi-même avons toujours gardé à l’esprit le souvenir de Rinpoché. Ce souvenir a fait que notre foi, notre dévotion et notre amour pour lui n’ont cessé de croître.

Avant que Rinpoché décède, il m’a dit quelques mots sur sa future réincarnation. J’ai donc grand espoir et je prie que nous rencontrions prochainement son ‘yangsi’. Ce que je veux dire aux disciples de Tènga Rinpoché et également à ceux qui sont reliés à Akong Rinpoché, c’est essentiellement un encouragement à laisser leur esprit à l’aise et détendu. Continuez de soutenir les activités éveillées de vos enseignants et je pense que cela suffira. »

Six mois plus tard, le 22 février 2016, au cours de la cérémonie de clôture du Kagyu Meunlam Chènmo, Sa Sainteté Karmapa fit une annonce qui suscita l’émotion : il déclara que, pendant la puja de Tséringma qui s’était déroulée au cours de la Rencontre du dharma Arya Kshéma pour les nonnes, il avait ressenti une grande dévotion pour Tènga Rinpoché et il avait eu « une pensée ou une légère vision de l’endroit où il pourrait se trouver. » Il a aussi dit qu’il gardait ces détails pour lui jusqu’à ce qu’il puisse en faire part à Son Éminence Sangyé Nyènpa Rinpoché, mais il espérait que Tènga Rinpoché pourrait bientôt revenir.

 

La lettre de prédiction, d’une précision remarquable :

Deux jours plus tard, le 24 février 2016, Sa Sainteté présenta la première lettre de prédiction concernant Tènga Rinpoché à Droubwang Sangyé Nyènpa Rinpoché. Dans ce document spécial, Sa Sainteté donnait les noms des parents et une description claire du paysage dans lequel ils vivaient. Également le 24 février, Sa Sainteté et Sangyé Nyènpa Rinpoché choisirent ensemble les membres du groupe de recherche - à l’importance capitale -, qui comptait le Secrétaire Général Tèmpa Yarphèl, le Secrétaire Général adjoint Tashi Euser, Khènpo Wousoung, et le Dorjé Lopeun Tsultrim Rabtèn. Ensuite, Sa Sainteté demanda aux quatre membres de venir dans la soirée et il leur adjoindrait une personne qualifiée pour la recherche. Quand ils se réunirent, le Karmapa précisa que Khènpo Garwang les aiderait, ce qui portait à cinq le nombre de personnes dans l’équipe. Khènpo se joignit au groupe en tant que représentant de Sa Sainteté Karmapa et du Tsourpou Labrang. Sa Sainteté déclara que Khènpo Garwang était remarquable et avait le discernement de neuf personnes. Pendant la recherche, le groupe pourrait toujours lui demander conseil. Khènpo Garwang s’adressa alors directement au Karmapa : « J’ai vraiment besoin d’une carte du lieu de naissance du yangsi ; si non, ce sera difficile. » Sa Sainteté dit d’un ton joueur : « D’accord, je vais faire comme si je savais quelque chose. » Puis il demanda du papier. Il parlait en même temps qu’il dessinait : « Ici, il y a une montagne qui ressemble un peu à ça, et il y a des maisons. Puis, il y a une rivière qui coule un peu comme ça ; elle n’est pas très grosse. » Finalement, son dessin se révéla aussi clair qu’une photo : il montrait la disposition du terrain avec une rivière qui le traverse, et la forme des maisons - certaines au toit plat, d’autres au toit pointu -, et une maison qui se trouve juste au-dessous de la montagne.

Dans la conversation qui s’ensuivit, Sa Sainteté précisa qu’il y avait de 32 à 40 familles dans la région. (Il s’avéra plus tard qu’une ONG avait recensé les familles dans ce village très étendu et qu’il y en avait exactement 40.) Il déclara aussi qu’il y aurait quatre personnes et demie dans la famille. Répondant à une question, le Karmapa dit que le ‘demi’ pouvait renvoyer à un enfant dans le ventre de sa mère. Quand le Secrétaire Général demanda l’âge du yangsi, le Karmapa répondit : « Il semble qu’il ait trois ou quatre ans. » La lettre de prédiction disait que la maison du yangsi se trouvait près d’une montagne sacrée appelée Gangpoung Gyèn (gangs phung rgyan, le Manaslu en népalais), la huitième plus haute montagne du monde. Khènpo Wousoung se demanda quel village ça pouvait être car il y en a beaucoup dans la région. Le Karmapa répondit que c’était le premier village en descendant de la frontière tibétaine, et il se trouve que c’est Samdo.

 

La première recherche :

Puis Sa Sainteté les encouragea : « Il est bon de partir chercher le yangsi tout de suite. » Aussi le jour suivant, ils retournèrent tous au Népal et partirent pour la région de Nubri, une haute vallée de montagne dans le nord du Népal, à la frontière avec le Tibet. Comme Nubri est à six jours de marche de Kathmandou, ils prirent un hélicoptère pour franchir les profondes vallées et les hautes montagnes jusqu’à la frontière du nord. A l’approche de leur destination finale, le Manaslu se profilant dans le ciel devant eux, le groupe de recherche fut étonné de constater que les détails du dessin de Sa Sainteté correspondaient au paysage qu’ils avaient devant eux.

Une fois qu’ils eurent atterri et se furent installés, pendant six jours, le groupe de recherche visita tous les lieux autour de Samdo dans la région de Nubri. Ils allèrent de maison en maison et Khènpo Garwang expliquait ceci à chacune des familles rencontrées : « Nous cherchons un enfant très intelligent. Si cet enfant peut faire des études, il apportera un grand bienfait à tout le monde. Il y a quatre enfants comme cela et nous en avons trouvé un en Inde, un au Bhoutan et un au Sikkim. Nous cherchons maintenant ici le quatrième, qui est né l’année du Cheval. Est-ce que vous connaissez un tel enfant à Samdo ? » Mais le groupe de recherche ne parvint pas à trouver un enfant de trois ou quatre ans dont le nom des parents concordait avec celui de la lettre de prédiction. Le groupe rendit compte à Sa Sainteté, et lui expliqua qu’ils n’avaient pas trouvé d’enfant qui corresponde à sa description. Le jour suivant, le Karmapa demanda au groupe de recherche de revenir en Inde ; c’est bien tristement qu’ils durent retourner les mains vides au monastère de Tergar, à Bodhgaya. Durant la période de la première recherche, le père du yangsi, Tséring Wangdou, était en pèlerinage à Yaksha Ngakpo, un site sacré de Gourou Rinpoché à Kavré au Népal, pas très loin du célèbre stoupa de Namo Bouddha. Quelqu’un de Nubri l’appela pour lui dire qu’un groupe était à la recherche d’un tulkou ; alors, quelque chose de bien étrange lui arriva : son coeur se mit à battre très fort dans sa poitrine et il se sentit abasourdi comme s’il avait été frappé par un éclair.

Les étapes suivantes :

À Bodhgaya, l’équipe de recherche eut une audience avec Sa Sainteté. Après avoir noté qu’ils n’avaient pas réussi, le Karmapa fit une pause et dit que le mieux serait que le monastère de Bènchèn puisse organiser, au cours des trois prochains jours, la puja de Tséringma. Les cérémonies auraient lieu à l’Institut Vajra Vidya de Thrangou Rinpoché à Sarnath, et elles devraient être le plus élaboré possible. Sa Sainteté demanda : « Pouvez-vous organiser ceci ? » Et Tèmpa Yarphèl répondit : « Oui, bien sûr, Votre Sainteté. Absolument aucun problème. » Le Karmapa précisa alors que les moines les plus âgés de Bènchèn devaient y assister, et qu’il inviterait les moines les plus âgés du monastère de Roumtek, y compris le dorjé lopeun (maître de rituel), l’oumzé (maître de chant), le cheutrimpa (maître de discipline), etc. La pratique serait conduite par l’oumzé de Roumtek et le dorjé lopeun de Bènchèn.

La deuxième fois que Sa Sainteté leur donna des renseignements sur le yangsi fut pendant ces cérémonies à l’Institut Vajra Vidya. Le Karmapa arriva le 20 mars 2016, en provenance de Bodhgaya, et le 21 mars 2016, il commença les trois jours de pujas dans le magnifique temple de l’Institut. Deux autels spéciaux avaient été très joliment préparés par le Karmapa lui-même : un pour le Gourou Yoga de Karma Pakshi le matin, et un autre pour la pratique des cinq sœurs Tséringma l’après-midi. Les cinq sœurs, qu’on dit résider dans les Himalayas, sont les protectrices de la lignée Kagyu, et la Tséringma centrale est aussi détenteur de lignée des enseignements du dharma de Milarépa. Tséringma est en particulier considérée comme l’esprit tutélaire de la région de Nubri. Ces deux pratiques de Karma Pakshi et Tséringma sont les mêmes que celles que le Karmapa avait conduites à Bodhgaya pendant la Rencontre annuelle des nonnes. A Sarnath, les rituels furent agrémentés d’offrandes abondantes et se poursuivirent pendant trois jours, se terminant le jour auspicieux de la pleine lune du second mois tibétain.

 

A propos de ces pujas spéciales, le Karmapa avait fait la remarque suivante : « Je verrai peut-être alors le yangsi plus clairement. » Le troisième jour des pratiques, le 23 mars 2016, en quittant le temple, Sa Sainteté donna à Tèmpa Yarphèl un papier replié. Quand ce dernier l’ouvrit, il découvrit le dessin d’une maison avec un gros rocher et une indication qui expliquait dans quelle direction la porte était tournée. « Année du Cheval » était écrit en haut la feuille. Au cours d’une audience le soir de ce même jour, le groupe de recherche demanda d’autres conseils et des éclaircissements à Sa Sainteté. Le Karmapa leur dit qu’ils n’avaient pas su chercher à Samdo : « Il se peut que la mère soit partie dans un autre village pour se marier ou que le père soit parti ailleurs pour se marier. Ils ont probablement un enfant. Cherchez-les. »

 

Deuxième tentative dans la région de Nubri :

Le groupe de recherche retourna à Samdo dans la région de Nubri, et cette fois-ci Khènpo Garwang demanda au chef du village et au lama résident, Lama Orgyèn, d’appeler tous les villageois pour une grande réunion. Ils se rassemblèrent sous un ciel clair de montagne et Khènpo Garwang leur posa des questions sur les membres de leurs familles qui avaient déménagé et avaient des enfants. Les villageois se montrèrent très coopératifs, allant jusqu’à téléphoner à de la famille vivant à l’étranger, en Europe, en Amérique et en Australie pour savoir s’ils avaient un enfant, mais ils ne trouvèrent qu’une petite fille née l’année du Cheval et pas de petit garçon.

Trois jours passèrent, puis en fin de journée, vers 17h30, le Secrétaire Général eut envie de boire quelque chose ; il alla dans une petite échoppe où une femme vendait du thé, du café et des biscuits. Il prit un café, et comme c’est la coutume dans les endroits reculés de montagne, la propriétaire entama la conversation. (Il découvrit plus tard qu’elle était une sœur de Lama Orgyèn et s’appelait Sithar.) « Alors, vous avez trouvé l’enfant? » « Non », soupira le Secrétaire Général, « Nous avons cherché partout mais sans succès. »

Elle lui demanda : « Est-ce que vous savez que la fille de ma sœur aînée a un garçon qui est né l’année du Cheval ? »

« Où est-elle ? » demanda tout de suite le Secrétaire Général.

« La fille de ma sœur est partie à Rö quand elle s’est mariée. »

« Où est-ce que ça se trouve ? »

« Oh, vous descendez la montagne pendant trois ou quatre heures et vous y êtes. »

Le Secrétaire Général était aussi surpris qu’il était transporté de joie. Il paya son café sans même le finir et partit rapidement retrouver le groupe de recherche dans leur auberge. Khènpo Garwang dit : « C’est étrange. Nous avons eu des tas de réunions et personne n’a mentionné cet enfant. Partons demain matin à la première heure. Comme Lama Orgyèn est une personne respectée et un parent du garçon, il serait bon de l’inviter à se joindre à nous. »

Lama Orgyèn habitait tout près et le groupe de recherche alla le voir immédiatement ;  Khènpo Garwang lui demanda : « Est-ce que la fille de votre sœur est partie à Rö quand elle s’est mariée ? »

Il répondit : « Oui, et ma sœur est décédée il y a déjà quelque temps. »

« Sa fille a bien un garçon ? »

« Oui. »

« Est-ce qu’il est né l’année du Cheval ? »

« Eh bien, c’est possible. Je vais téléphoner. »

Lama Orgyèn passa un coup de téléphone à la mère du yangsi et il apprit qu’en effet le garçon était né l’année du Cheval. On rappela aussi à Lama Orgyèn que c’était lui qui avait fait le thème astral du bébé à sa naissance. Le lama accepta avec joie de se joindre au groupe de recherche lors de leur voyage à Rö.

 

Un jeune garçon fait impression :

C’est dans la joie et l’anticipation que le groupe de recherche fit le voyage le jour suivant pour aller rencontrer le petit-fils de la sœur du lama. Après avoir descendu la haute vallée pierreuse, le groupe de recherche arriva enfin à la maison, connue comme la ‘nouvelle maison de Rö de Nubri’ (nub ri ros khang gsar). Quand le Secrétaire Général vit le yangsi, il pensa : « Les yeux de cet enfant ont un éclat particulier. »

Le nom des parents correspondait exactement à la lettre de prédiction : le père s’appellait Tséring Wangdou (mais on l’appelle généralement Wangdou), et il était connu sous le nom de Orgyèn Pasang Wangpo quand il était moine (pendant quatre ans) au monastère de Tsoknyi Rinpoché à Swyambhunath (monastère qui est maintenant sous la direction de Mingyour Rinpoché et s’appelle Tergar Essel Ling). La mère du yangsi s’appelle Dawa Poutri, et quand elle était nonne au monastère de Pénor Rinpoché dans le sud de l’Inde pendant environ six ans, elle portait le nom de Tsultrim Cheudreun. Elle a deux sœurs plus âgées et trois frères plus jeunes. Il se trouve également que la mère de Tsoknyi Rinpoché et de Mingyour Rinpoché vient de Rö.

Quand elle était enceinte, Dawa Poutri rêva de la maison de sa sœur aînée, située tout en haut sur un flanc de montagne, avec des escaliers comme une échelle pour grimper à la porte d’entrée. Dans son rêve, un vieux lama vêtu de robes rouge vif descendait l’escalier et se dirigeait droit sur le portail de la vieille maison des parents (avec le rocher). Le lama dit à la mère : « Votre fils naîtra tulkou. Vous devriez accomplir ‘chabtor’ (offrandes pour les esprits affamés). » Puis il disparut. La mère, cependant, ne fit pas les offrandes, rejetant le rêve comme quelque chose d’illusoire et de pas très important. Elle expliqua que, dans la région, les gens faisaient toujours des rêves, aussi ils n’en faisaient pas grand cas.

 

Une réincarnation vient au monde :

Pendant trois jours, alors que Dawa Poutri avait des contractions par intermittence, il neigea légèrement et puis, la nuit où le yangsi est né, une énorme tempête de neige recouvrit toutes les montagnes de la région d’un blanc manteau étincelant. Les parents demandèrent au lama de Rö, Lopeun Gyourmé, la signification de cette grosse tempête. Était-ce un bon présage ou un mauvais présage ? Il répondit que cela pouvait être un bon présage car la neige signifie souvent que de bonnes choses vont arriver dans la région. Et ça pouvait être un mauvais présage car la neige très abondante rendait les choses difficiles pour le bétail ; et, en effet, ce fut dur pour leurs yacks et leurs dzos. La famille eut le sentiment que c’était vraiment un événement inhabituel.

Le yangsi naquit le 23e jour du 10e mois tibétain, l’année du Cheval (le 14 décembre 2014), à 23h30. Le précédent Tènga Rinpoché était décédé dans les premières heures du 30 mars 2012, et il ne lui a pas fallu longtemps pour renaître, tout comme le Karmapa l’avait prédit. Le garçon fut appelé Nyima Deundroup, et peu de temps après sa naissance, la tante paternelle de Dawa Poutri (la sœur cadette de son père) vint leur rendre visite. Quand elle apprit qu’à la naissance du bébé, le cordon ombilical était enroulé autour de son cou dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, et qu’il avait une tache rouge entre les sourcils, la tante fit cette remarque : « Vous devez prendre un soin particulier de cet enfant. » (C’est ce qu’on dit souvent aux parents avant que leur enfant ne soit reconnu comme réincarnation.) Parmi les nièces et neveux du père, il y avait douze filles et seulement trois garçons, aussi la tante était ravie et nourrissait de grands espoirs pour cet enfant.

Environ deux jours après la naissance de l’enfant, son grand-oncle, Lama Orgyèn, vint rendre visite et déclara : « C’est un être à la bonne fortune excellente. » Selon la coutume de la région de Nubri, il leur donna ce conseil : « Vous devez faire des offrandes de fumée pour sa longue vie. » Ils hissèrent alors un drapeau coloré sur leur toit et firent des pujas d’offrande de fumée (bsang) les 3e, 13e et 23e jours du mois tibétain.

Pendant environ un mois après sa naissance, le yangsi eut le nez congestionné ; on téléphona alors au frère de la mère, Yeuntèn Namgyal, qui étudiait au shédra de Bènchèn. Que fallait-il faire ? Il alla voir Sangyé Nyènpa Rinpoché qui lui donna du safran à brûler dans une offrande de fumée (bsang rdzas), pour écarter les obstacles, et il lui dit : « Brûlez ceci pour lui et il ira bien. » Yeuntèn Namgyal envoya donc ce safran à la famille à Nubri, et après avoir lavé l’enfant, ils en brûlaient un peu tous les jours, laissant la fumée envelopper doucement le visage du yangsi ; en deux mois, il fut guéri.

À mesure que l’enfant grandissait, les qualités de son caractère se firent plus nettes. Il aimait être avec d’autres enfants, et quand il sortait jouer avec eux, si parfois quelqu’un le tapait, il ne répliquait jamais. Il se montrait aussi bon avec les mendiants. Dans leur région, des personnes pauvres venaient d’Inde deux ou trois fois par an pour demander la charité. La plupart des gens de Nubri les ignorent et les chassent, et généralement il n’y a pas de mendiants dans le coin. Quand le yangsi les voyait à sa porte, il disait : « Ce sont mes ‘bhai’ (frère en népalais). Donnez-leur à manger. » Si la mère n’avait rien de prêt, ils cherchaient ce qui pouvait être disponible comme de la tsampa (farine d’orge grillée), et leur en donnaient.

On put aussi noter d’autres choses qui rappelaient Tènga Rinpoché. La précédente incarnation aimait beaucoup les malas ; il en avait une pleine boîte dans sa chambre et en changeait régulièrement. Quand le yangsi rencontrait de vieilles personnes qui comptaient les mantras de mani sur leur mala, il s’en saisissait. Une fois, un vieil homme était venu aider chez eux, et un jour il ne trouvait plus son mala. Il s’avéra que l’enfant était parti avec.

 

Les différentes pièces commencent à former une image :

Quand Khènpo Gawang et le groupe de recherche arrivèrent chez eux, le yangsi alla à la porte pour voir qui c’était. Quand il vit Khènpo Gawang, il dit : « Tashi Délèkla » (une façon polie de dire « Bonjour, bienvenue »), alors même que le yangsi n’avait jamais parlé tibétain auparavant. C’était la première fois qu’il prononçait ces paroles. Le groupe de recherche prit de nombreuses photos, et pendant leur visite, le jeune garçon tira sur la chuba de sa mère à plusieurs reprises en lui disant quelque chose dans le dialecte Nubri local. Quand Tèmpa Yarphèl demanda la traduction à Khènpo Wousoung, c’était une marque traditionnelle de bienvenue « Sers-leur du thé. » À ce moment-là, le yangsi ne parlait pas beaucoup, il n’avait qu’un an et trois mois. Précédemment, quand le groupe avait posé des questions au Karmapa sur la lettre de prédiction et le nombre de personnes dans la famille, il avait dit qu’il pouvait y en avoir quatre et demi, en précisant que le ‘demi’ pouvait signifier que la mère était enceinte. Cependant, quand le groupe la questionna, la mère dit que ses règles étaient régulières et qu’elle n’était pas enceinte. Il y avait pourtant quatre personnes dans la famille : les deux parents, le yangsi et sa soeur Kelsang Cheukyi, qui avait deux ans de plus.

Le Secrétaire Général posa aussi des questions aux parents à propos du rocher qui figurait sur le dessin du Karmapa. Ils répondirent que ce rocher constituait une large partie de l’étage inférieur de leur ancienne maison ; il formait l’angle arrière gauche et deux murs y étaient adossés de chaque côté. Ce rocher fut mis en morceaux et recyclé pour  la construction de leur nouvelle maison, expliquèrent-ils. C’est là que le yangsi naquit et la lettre de prédiction avait été écrite alors qu’ils habitaient encore dans leur ancienne maison avec le rocher. De nombreux touristes viennent au Manaslu ; aussi avec l’idée de générer un revenu grâce à une auberge, les parents avaient complètement reconstruit leur maison pour ajouter des chambres supplémentaires et créé une maison en forme de L. Les maisons de cette région ont toutes un nom particulier et la leur s’appelle la ‘nouvelle maison de Rö de Nubri’ (nubri ros khang pa gsar).

Pendant qu’ils étaient à Rö, Khènpo Garwang contacta Sa Sainteté pour lui faire un rapport détaillé, y compris qu’il manquait le ‘demi’ membre de la famille. Trois jours plus tard, Sa Sainteté répondit et demanda à Khènpo Gawang de revenir à Bodhgaya et aux autres membres du groupe de recherche de retourner à Kathmandou. De retour en Inde, Khènpo Garwang repassa tous les détails avec Sa Sainteté, lui montra les photos de la famille, de leur maison et du paysage spectaculaire ; mais, à ce point, le Karmapa déclara qu’il n’avait rien à dire sur la réincarnation de Tènga Rinpoché.

 

Tséringma entre dans le jeu :

Entre temps à Kathmandou, le Secrétaire Général parla avec Sangyé Nyènpa Rinpoché et l’informa qu’il allait à Bodhgaya pour passer Gutor (jours de la pratique de Mahakala, qui précèdent la nouvelle année) et Losar (Nouvel An) 2017 au monastère de Tergar auprès du Karmapa. Il demanda : « Que dois-je dire à Sa Sainteté à propos du yangsi ? » Nyènpa Rinpoché répondit : « Ne dites rien du tout. C’est mieux de rester discret. Sa Sainteté sait qui vous êtes. S’il souhaite dire quelque chose, il le fera. Si non, eh bien revenez. »

Le Secrétaire Général, Tèmpa Yarphèl, suivit son plan et se rendit à Bodhgaya pour Gutor et Losar. Ensuite, le 2 mars, le matin du Marmé Meunlam et le dernier jour du Kagyu Meunlam Chènmo, avec quelques amis, il eut une audience avec Sa Sainteté et emporta des photos avec lui. Après le départ de ses amis, le Karmapa invita Tèmpa Yarphèl dans ses appartements privés et il lui donna les instructions suivantes : « Beaucoup de moines de Bènchèn se trouvent ici pour le Kagyu Meunlam et ils doivent tous rentrer chez eux. Le groupe de recherche doit venir ici pendant la Rencontre hivernale des nonnes, au moment de la pratique de Tséringma. » Suivant ces conseils, les moines de Bènchèn rentrèrent au Népal, et quatre membres du groupe revinrent à Bodhgaya pour les trois jours de pratique de Tséringma. Le 11 mars, le troisième jour des pujas, Sa Sainteté écrivit quelque chose pendant les chants. A la fin, il fit venir le Secrétaire Général à son trône. En lui donnant un papier enveloppé d’une khata, le Karmapa dit : « Ceci n’a pas été écrit en suivant mes propres pensées. Je l’ai écrit directement comme cela apparaissait clairement. A la fin de la puja, dites au groupe de recherche de venir me voir et je leur donnerai une explication. » Durant cet entretien, le Karmapa leur dit que le papier contenait les nouveaux versets qu’ils devaient réciter en allant à la recherche du yangsi. Sa Sainteté les encouragea alors vivement : « Partez tout de suite au Népal et cherchez un enfant né l’année du Cheval au stoupa de Boudhanath. C’est là que vous le trouverez. »

Pendant ce temps à Rö, il y avait eu une petite chute de neige avant le début de la pratique de Tséringma à Bodhgaya. Cependant, quand la pratique eut lieu - du 9 au 11 mars 2017 - la neige tomba en abondance sans interruption pendant les trois jours complets. Environ un mètre vingt de neige s’était accumulé autour de la maison du yangsi avant que le soleil rayonnant n’apparaisse et ne la fasse fondre. Une telle quantité de neige était très inhabituelle car c’était le début du printemps, période où il ne neige pas autant dans les montagnes. Pendant ces trois jours-là à Bodhgaya, le temps fut anormalement clair et frais. Le père expliqua que ce furent cette tempête de neige auspicieuse et celle à la naissance du yangsi qui avaient confirmé sa confiance en le Karmapa.

Avec les encouragements du Karmapa, le groupe de recherche retourna rapidement au Népal et passa des jours autour du stoupa vénéré à la recherche du jeune garçon. Des foules de gens de Nubri faisaient des circumambulations autour du dôme du stoupa d’un blanc étincelant et se promenaient dans les rues étroites alentour. Le groupe de recherche trouva de nombreux enfants nés l’année du Cheval, mais le nom des parents et le nombre d’enfants dans la famille ne correspondaient pas. Néanmoins, tous ces noms furent communiqués à Sa Sainteté. Puis, alors que le groupe de recherche regardait des cérémonies retransmises par internet depuis Bodhgaya, le 14 mars, ils entendirent le Karmapa conclure les enseignements du jour sur Gampopa avec une nouvelle étonnante : « Peut-être vous vous souvenez qu’il y a un an ou deux, pendant la Rencontre du dharma pour les nonnes, nous avons commencé à chercher la réincarnation de Bokar Rinpoché. Nous l’avons cherchée, nous l’avons trouvée et nous l’avons emmenée ici durant la Rencontre hivernale du dharma pour les nonnes. Et maintenant, si toutes les conditions, aussi bien extérieures qu’intérieures,  sont réunies, s’il y a les signes appropriés, etc. nous avons l’espoir que nous pourrons trouver et reconnaître la réincarnation du Seigneur du refuge Tènga Rinpoché, et l’emmener ici à cette 4e Rencontre hivernale du dharma pour les nonnes. Il n’est pas certain que ceci arrive. Rien n’est sûr, pourtant il est tout à fait possible que cela se passe. Si c’est le cas, il nous faudra peut-être prolonger cette rencontre d’environ deux jours. » De nombreuses autres personnes entendirent aussi cette retransmission et se mirent à appeler Tèmpa Yarphèl. Ils demandaient : « Vous l’avez trouvé ? » La réponse était « Non ». « Vous devez utiliser tous les moyens habiles possibles. Il nous faut une réincarnation tout de suite! » s’inquiétaient-ils.

 

La course vers Nubri et Bodhgaya :

Le 17 mars, Sa Sainteté envoya un message à Khènpo Gawang qui disait que le monastère de Bènchèn devait accomplir la puja de Tara toute la nuit pour écarter les obstacles. Finalement, le 19 mars à 21h, Khènpo Garwang reçut un message soudain du Karmapa : « Amenez cet enfant de Rö rapidement à Bodhgaya, avant le soir du 20 mars ou le matin du 21 mars. » Les membres du groupe de recherche s’efforçaient de trouver le yangsi à Boudha, et maintenant ils devaient faire demi-tour et le ramener  des montagnes du nord du Népal à Bodhgaya, dans le sud de l’état indien du Bihar, et ceci en 24 ou 36 heures sinon moins.

Heureusement, Tashi Euser avait une bonne connexion avec une personne importante au Népal qui les aida à réserver un hélicoptère pour le jour suivant à 8h. Comme l’hélicoptère ne pouvait pas transporter beaucoup de gens, ils envoyèrent Khènpo Garwang, Tashi Euser et le jeune frère de la maman, Yeuntèn Namgyal (connu sous son surnom de Babou) qui était moine au collège monastique de Bènchèn. Ainsi, pendant ce voyage un peu précipité en Inde, le jeune garçon aurait une présence familière, lui qui n’avait jamais quitté son village, et tout le monde serait plus rassuré. Plus tôt ce même jour, il était tombé 30 cm de neige à Nubri, mais comme des touristes étaient arrivés par les airs, on avait dégagé l’hélipad à la pelle, ce qui facilita l’atterrissage du groupe de recherche et le départ de la famille avec eux.

Quand l’hélicoptère atterrit à Kathmandou, une jeep les attendait à l’aéroport pour emmener tout le monde directement en Inde. C’était la première fois que le yangsi voyait une voiture. Ils roulèrent toute la nuit et arrivèrent à 5h du matin, le 21 mars. Quand le Secrétaire Général, accompagné de Shérab Wangchouk et de Jimba Lodreu, arriva à Tergar vers 8h30, ils avaient l’air bien fatigués mais en même temps joyeux. Quand ils rencontrèrent la famille à l’aéroport, ils avaient aussi appris que Dawa Poutri était enceinte de cinq mois, réalisant ainsi la prédiction du Karmapa selon laquelle la famille avait quatre membres et demi.

 

Le yangsi fait son apparition à Bodhgaya :

Au monastère de Tergar, personne ne donnait de renseignements précis sur le yangsi, pourtant une fébrilité tranquille régnait sur le temple principal et les gens avaient revêtu leurs beaux habits. A la droite du trône du Karmapa se trouvaient un trône plus petit, recouvert de brocart or et rouge, ainsi que deux chaises à ses côtés. Ayang Rinpoché était aussi venu et était assis à la gauche du Karmapa. Sa Sainteté avait supervisé tous les détails de la cérémonie, depuis le texte qui serait chanté jusqu’à l’ordre de la procession avec le yangsi. À 9h30, Sa Sainteté arriva et s’installa sur son siège pour présider à la pratique, la principale étant la Prière aux Seize Arhats, qui se vouent à la préservation des enseignements.

Quand on en vint à la section où la présence des arhats est invoquée, la puja s’interrompit et, par la porte principale du temple, une procession s’avança, conduite par le Secrétaire Général tenant un long porte-encens, suivi du Secrétaire adjoint, Tashi Euser, de Khènpo Garwang, du yangsi vêtu d’une chuba dorée accompagné de ses parents et de Yeuntèn Namgyal. Ils étaient accompagnés par Gyaltsèn Sonam de l’Administration de Tsourpou. Les parents placèrent leur enfant sur le tapis devant le Karmapa qui portait sa coiffe noire, et après qu’ils se soient profondément inclinés, le yangsi fut conduit au Karmapa et le regarda dans les yeux un long moment.

Puis, le jeune garçon fut placé sur son trône, tandis que ses parents s’asseyaient près de lui ; il continua de se tourner vers le Karmapa et de le regarder ainsi que les nouvelles personnes autour de lui. A ce moment-là, au-dessus de ses sourcils on put voir comme  une deuxième série de sourcils rouges, comme un ‘naro’ (la lettre tibétaine qui ressemble à deux ailes), plus incliné vers le haut du côté de son sourcil droit. C’était très clair pendant la cérémonie et quelque temps après.

Les gens remarquèrent combien l’enfant était calme vu son jeune âge ; selon le calendrier occidental, il n’a que deux ans et trois mois. Selon la façon tibétaine de compter, en cette fin de mars 2017, le yangsi a quatre ans car il est né le 10e mois, et quand Losar (la Nouvelle Année) arrive - quelle qu’en soit la date - on considère que tout le monde a un an de plus, quelle que soit la date où on est né. Ainsi à deux mois, on considérait déjà que le yangsi avait un an. Puis deux ans sont passés, ce qui fait qu’il a trois ans, et cette année Losar tombant le 27 février, il a donc quatre ans dans le monde tibétain.

Plusieurs offrandes des représentations du corps, de la parole et de l’esprit sont faites au yangsi pour qu’il ait une vie longue et fructueuse. Pendant tout ce temps, l’enfant, qui a à peine plus de deux ans, reste calmement assis sur son trône, regardant avec simplicité et clarté ce qui se passe autour de lui ainsi que les nombreuses personnes qui viennent lui offrir des cadeaux et de longues écharpes blanches. Beaucoup de gens remarquent à quel point ce calme est inhabituel pour un très jeune enfant venu d’une région reculée, et qui se retrouve maintenant être le centre d’attention d’une grande cérémonie et d’une foule de gens. Sa présence rayonnante remplit le cœur de tous, comme elle continuera de le faire dans les nombreuses années à venir.

Ce récit se base sur des entretiens avec le Secrétaire Général, Tèmpa Yarphèl, du monastère de Bènchèn, réalisés les 24 et 25 mars 2017 à Bodhgaya en Inde et sur des entretiens avec les parents du Yangsi les 26 et 27 mars 2017. Le Secrétaire Général et Tashi Sautter ont également aidé à la révision du texte. Puisse ceci contribuer à la longue vie et à l’activité florissante de cette merveilleuse réincarnation.

2017.03.21

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