Représentation théâtrale “La Vie de Milarépa” écrite par le Gyalwang Karmapa
Le 1er Janvier 2010 - Bodhgaya
Après trois années de lecture de la biographie de Milarépa pendant les Kagyu Monlam, Sa Sainteté le Karmapa a refait vivre la vie entière de Milarépa au cours d’une soirée exceptionnelle. Près de 12.000 personnes, dont de nombreux internautes, ont regardé « La vie de Milarepa » composée par Sa Sainteté le Karmapa et interprétée par des comédiens de l’Institut tibétain « TIPA » ( The Tibetan Institute for the Performing Arts). Au cours des mois précédents, Sa Sainteté a supervisé le design de la scène, la répétition des comédiens dans sa résidence temporaire à Gyuto, donnant des conseils tout au long des étapes de la production de cette pièce. Selon TIPA, cela a été le plus grand événement théâtral de l’histoire du Tibet.
Une scène sur plusieurs niveaux et un grand amphithéâtre ont été spécialement construits selon les instructions de Sa Sainteté pour illustrer le Bouddha de la compassion, Tchenrézig. 250 Bhikshu (moines) et Bhikshuni (nonnes) figuraient sur le côté gauche de la scène, de même que sur le côté droit, représentant ainsi 500 yeux et 500 bras de chaque côté, c’est-à-dire les 1000 yeux et les 1000 bras de Tchenrézig. Les 11 marches situées en haut de la scène représentaient ses 11 visages,
Plusieurs matériels de hautes technologies ont été importés pour apporter des effets spéciaux à la mise en scène. Avant même que le spectacle ait commencé, les applaudissements de l’auditoire se firent entendre lorsque la scène fut mise en lumière sous des nuances subtilement variées. Plusieurs caméras capturaient l’événement retransmis sur des écrans géants flanqués des deux côtés de l’amphithéâtre, améliorant ainsi la visibilité de tous.
La troupe de théâtre composé de plus de 60 comédiens et de chanteurs se sont déplacés depuis Dharamsala pour jouer cette pièce théâtrale le jour de l’An. Celle-ce incorporait des éléments de l’opéra tibétain traditionnel sous une forme théâtrale moderne, tout en gardant son authenticité. Durant les entractes, les moines et les nonnes tibétains entonnèrent des prières bouddhistes et essentiellement des mélodies composées par Sa Sainteté. La soirée s’est terminée par des danses folkloriques des trois régions du Tibet.
Soulignant l’importance culturelle de la pièce de théâtre, Mr Shérab Tharchin, membre Kagyu du Parlement, a présenté cette soirée unique en mentionnant que de tels événements avaient été célébrés lors des Monlam du temps du 7ème Karmapa, Chodrak Gyatmso, et que de la même façon le Gyalwang Karmapa nous propose d’assister à un moment d’exception pour clôturer le Kagyu Monlam.
Sa Sainteté le Karmapa a souligné que la représentation des biographies des maîtres spirituels exécutée le jour du Nouvel An est une tradition très ancrée au Tibet. Alors que la vie de Milarépa est déjà consignée dans de nombreux ouvrages de la littérature tibétaine, plusieurs éléments distinguent l’oeuvre de Sa Sainteté le Karmapa à d’autres reproductions de la vie de ce grand yogi tibétain. En général, la littérature Tibétaine est très souvent utilisée pour des représentations théâtrales, alors qu’ici Sa Sainteté a composé un script en utilisant la langue Tibétaine courante afin que cette pièce soit plus accessible à un public général. Même si la littérature Tibétaine est bien connue des membres de l’audience, regarder cette pièce, écrite avec un style familier, permet une rencontre plus intime et immédiate avec Milarépa.
Sa Sainteté dépeint le sort du personnage de Nangasa Kargyèn, la mère de Milarepa, avec une grande empathie: une mère impuissante, qui, tant bien que mal prend soin de ses enfants. Avec des scènes de violence physique, verbale et psychologique infligées à ses enfants par l’oncle et la tante, la mère de Milarepa n’avait plus d’autres solutions que d’envoyer Milarépa apprendre la sorcellerie pour se venger de ses ennemis.
Lorsqu’elle envoya son fils étudier la sorcellerie, elle lui dit : « La sorcellerie des autres est le hobby des riches et des gâtés. La nôtre est la dernière chance des misérables ! ».
Tout au long de la pièce, Sa Sainteté met pleinement en scène les souffrances de Milarépa et sa transformation spirituelle afin que le public puisse rentrer avec contact avec le personnage d’une autre façon, plus vivante et directe. Lorsqu’il retourna dans son village natal dans l’espoir de retrouver sa mère, il apprend qu’elle n’est plus de ce monde depuis longtemps, dévastée de chagrin. Son corps était laissé à l’abandon et avait pourri dans leur maison abandonnée. Retrouvant ses os empilés dans la maison en ruine, Mila tomba sur ses genoux et rassembla tendrement ses os dans son giron. Les caméras érigées dans l’amphithéâtre ont rendu cet instant exceptionnel, filmant en gros plan le visage de Milarépa ruisselant de larmes pendant ce moment de deuil, afin que le public partage la profonde tristesse de Mila. Nombre de personnes de l’auditoire avaient les larmes aux yeux :
Un géshé Tibétain raconte que lorsqu’il vit la représentation théâtrale, il pleura à cinq reprises, notamment au moment où la mère de Milarépa s’effondra de colère lorsque son fils rentra complètement ivre de ses cours de classe qu’elle avait arrangés dans l’espoir de lui donner une éducation.
Une autre personne (qui ne suit pas les enseignements du Karmapa) a noté que cette pièce a fait vivre le personnage de Milarépa de façon plus vivante et touchante, beaucoup plus que n’importe quel autre film ou représentation qu’elle avait observé jusque ici.
Durant la représentation, il y avait aussi des moments d’humour très appréciés par le public. Lorsque Milarépa se présenta à Marpa comme « Un grand scélérat de Lato » Marpa lui répondit : « Vous êtes peut-être un grand scélérat. Alors pourquoi vous en vantez-vous auprès de moi ? Je ne suis pas celui qui vous a poussé à commettre des actes nuisibles. Qu’avez-vous fait de mal au juste ? ». Des éclats de rire de l’auditoire se fit retentir à ce moment là.
Le froid de l’Hiver renforça le réalisme de la pièce et intensifia la présence du public durant la représentation. Alors que la température descendit au fur et à mesure de la soirée, le personnage de Milarépa apparu sur la scène balayé par le vent, vêtu d’un simple morceau de tissu blanc et fin ; les membres de l’auditoire serrés, grelottaient dans leurs blousons et châles en laine. Les spectateurs avaient l’occasion de contempler le contraste entre l’ascèse indéfectible de Milarépa dans les montagnes et leurs propres réactions aux nuits d’Hiver relativement douces à Bodhgaya. Pendant ce temps, les 500 Bhikshus et Bhikshunis, bras droits dénudés et tête rasées exposées à l’air frais de la nuit, étaient toujours assis de chaque côté de la scène, avec le regard attentif.
Pour conclure la soirée, Sa Sainteté le Karmapa a jeté un regard sur les milliers de spectateurs pendant un instant…. Puis, il a mentionné les bienfaits d’avoir entendu le récit de la vie de Mila, comme la protection d’une renaissance dans les règnes inférieurs et la libération. Le Karmapa a souligné combien il était heureux de la présence de tous et a remercié le public avec bienveillance pour leur indulgence face au froid.