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Le Soutra du Coeur- Causes et conditions - Partie 2

16 août 2016 - Hyatt Regency, Gurgaon, Inde

La session s’ouvre par une invocation du Bouddha aux Nuages d’Encens, dont l’image dorée rayonne depuis l’écran au-dessus de l’estrade. Ainsi commencent tous les enseignements selon la tradition chinoise ; en effet quand le Bouddha aux Nuages d’Encens allume de l’encens, tous les bouddhas sont convoqués pour écouter les enseignements.

Une autre caractéristique de ces sessions d’étude est la récitation du Soutra du Coeur en chinois, avec un style mélodique particulier qui s’appelle ‘Vague de l’océan’ : un chant rythmé et mélodieux, paisible et doux comme le mouvement de vagues légères à la surface de l’océan.

Dans la session d’ouverture, le Karmapa a donné les grandes lignes des huit sections du soutra et commenté les trois premières : le prologue, le temps et la suite. Il poursuit avec l’étude de la section qui traite des causes et des conditions nécessaires.

Cependant, il commence cette session en donnant d’autres détails sur l’origine du nom Rajagriha, que certains interprètent comme ‘le Sacrifice du Rajah’. Le nom du rajah ou roi qui insista sur le sacrifice d’animaux est Vasu. Vasu était un brahmane laïque ; mais comme il était las du monde, il prit l’ordination. Un jour, une dispute éclata entre des brahmanes ordonnés et des brahmanes laïques. Les brahmanes laïques soutenaient que les sacrifices d’animaux et la consommation de viande étaient une partie essentielle du rituel tel qu’il est décrit dans les Écritures. Les brahmanes ordonnés contestaient vivement ceci. Finalement, ces derniers suggérèrent qu’on consulte le Rajah (qui était ordonné) pour régler la question. Mais cette nuit-là, en secret, les brahmanes laïques allèrent voir Vasu pour lui demander son soutien. Et, le lendemain, quand les brahmanes ordonnés demandèrent à Vasu s’il était correct de tuer des animaux pendant les cérémonies sacrificielles, il répliqua que le rituel de sacrifice était en accord avec les Écrits védiques et qu’ils devaient donc le faire. Les brahmanes ordonnés furent choqués et demandèrent à Vasu quelle était son opinion personnelle. Vasu répondit : « À mon avis, une cérémonie sacrificielle pour les dieux doit inclure le sacrifice d’animaux, mais après leur mort, ils renaîtront dans le monde des dieux. » Les brahmanes ordonnés étaient furieux. Ils le réprimandèrent, le traitèrent de menteur et lui crachèrent même dessus. Puis ils le maudirent, et immédiatement, Vasu s’enfonça dans le sol jusqu’aux chevilles. Les brahmanes lui donnèrent une deuxième chance. À nouveau, ils le questionnèrent, mais il répéta que, bien-sûr, des animaux devaient être sacrifiés, et il s’enfonça dans le sol jusqu’aux genoux. Cette session de questions-réponses se poursuivit jusqu’à ce que seule la tête de Vasu dépasse du sol. Les brahmanes lui donnèrent une dernière chance. Ils le supplièrent de reconnaître qu’il se trompait et de dire la vérité, et ils pourraient encore le sauver ; mais Vasu réfléchit à l’humiliation que cela signifierait, et aussi aux textes védiques qui font l’éloge des sacrifices d’animaux pour les dieux. Alors, avec son dernier souffle, il soutint une fois de plus que le sacrifice d’animaux n’est pas un crime. Les brahmanes ordonnés dirent qu’ils ne voulaient plus jamais le voir, et il disparut dans le sol.

En conséquence, son fils déplaça la capitale du royaume. Il devint également coutumier, avant de sacrifier des animaux, de leur dire que la faute en était à Vasu; cette pratique était encore en vigueur à l’époque de Nagarjouna ((environ 150-250 de notre ère).

 

Section 4 : Les causes et les conditions qui ont conduit à l’enseignement du Soutra du Coeur

À ce moment, le Bhagawan entra dans le samadhi appelé Profonde Luminosité. Au même moment, le noble Avalokiteshvara, le Bodhisattva Mahasattva, observa attentivement la pratique de la profonde Perfection de Connaissance et vit que les cinq agrégats étaient vides par nature. 

Sa Sainteté explique que, au début de tous les soutras, il y a un épigraphe commun. Cette section, cependant, est le prologue spécifique qui explique les causes et les conditions qui sont à l’origine de ce soutra en particulier. ‘À ce moment’ renvoie au moment dans le temps où le Bouddha entra en samadhi avant de commencer son enseignement. Parce que le Bouddha pouvait reconnaître que le karma positif de tous ceux qui étaient présents avait mûri, il savait que c’était le moment juste pour enseigner le dharma, et pour cette raison, ‘il est entré dans le samadhi appelé Profonde Luminosité’.

Sa Sainteté explique que le mot ‘profond’ renvoie à la vacuité ultime. Vimalamitra affirme que la vacuité est qualifiée de profonde parce qu’elle transcende tous les extrêmes de l’expérience. De façon semblable, dans la Perfection de Sagesse en 8000 lignes (Astasahasrika Prajnaparamita Sutra), il est dit que la Profonde Luminosité signifie la vacuité. Il est également dit : « La Prajnaparamita est profonde, difficile à voir et difficile à expliquer. » Ainsi peut-on comprendre qu’elle est profonde car elle a transcendé les concepts et le langage.

Dans son Dasabhumika-sutra, Vasubandhou utilise les termes ‘profond silence’, ‘profond nirvana’, ‘profonde vacuité’, etc. Au total, il donne neuf exemples pour l’utilisation du mot ‘profond’.

Le Bouddha demeure habituellement en samadhi, poursuit le Karmapa ; il n’y a donc aucune raison pour qu’il entre en samadhi. Le Bouddha donne l’apparence d’entrer en samadhi, du point de vue des autres êtres. Il manifeste l’entrée en samadhi pour permettre à sa suite, dont l’enseignant principal est Avalokiteshvara, de comprendre la profonde vacuité et de comprendre ses pensées, ses intentions et son monde. Normalement, à l’exception des bouddhas, les êtres sensibles sont incapables de comprendre les pensées du Bouddha, même des bodhisattvas; mais grâce au pouvoir spécial de la bénédiction du Bouddha, les gens peuvent partager ses pensées et le Mulasarvastivada Vinaya Vastu précise que même les fourmis et les insectes pouvaient partager les pensées du Bouddha.

‘Samadhi’ désigne un état de concentration : laisser l’esprit reposer en silence grâce au pouvoir de la concentration et de l’attention, de sorte que le méditant n’est pas distrait par l’environnement extérieur. L’esprit est clair, stable et capable de se poser de façon égale sur un objet.

Dans le Samdhinirmocana Sutra, il est mentionné que le samadhi est la source de tout mérite, à la fois dans les traditions du mahayana et du theravada. Dans son Abhidharmakosa, Vasubhandou déclare que garder des voeux conduit à une renaissance dans les royaumes des dieux, mais la méditation conduit à la libération.

Le Karmapa explique : « Sans samadhi, vous ne pouvez même pas échapper à ce monde du désir, encore moins atteindre la libération. »

 

Sa Sainteté explore alors les différents sens du terme sanscrit dharma. D’abord, il a le sens de ‘maintenir’, et peut renvoyer au maintien de tous les phénomènes car ils ont une nature qui se maintient d’elle-même. Ici, il est fait référence au vrai dharma du Bouddha, une capacité particulière à se maintenir ou se préserver. Il y a de nombreux types de dharma ; par exemple, les Deux Vérités, les Quatre Nobles Vérités, le Triple Entrainement, etc. Mais le dharma dont il est question ici est le vrai dharma du samadhi, et un type particulier desamadhi, la pratique de la profonde connaissance transcendante.

 

Le soutra dit « au même moment ». Non seulement le Bouddha se concentre sur la profonde vacuité, mais Avalokiteshvara aussi entre dans cet état. Au moment même où le Bouddha entre en samadhi, simultanément Avalokiteshvara entre aussi en samadhi. Avalokiteshvara est décrit comme un ‘bodhisattva mahasattva’, ce qui signifie qu’il est un grand bodhisattva qui a au moins atteint la 8e terre de bodhisattva.

… le Noble Avalokiteshvara, le Bodhisattva Mahasattva, observa attentivement la pratique de la profonde Perfection de Sagesse/Connaissance et vit que les cinq agrégats étaient eux-mêmes vides par nature.

« Avalokiteshvara a vu la vraie nature des cinq agrégats, qui est vacuité », dit Sa Sainteté. « Ceci suggère que si les pratiquants des générations suivantes sont capables de voir la vraie nature vide des cinq agrégats, leur sagesse se manifestera. »

 

Section 5 : La question

Puis par le pouvoir du Bouddha, le Vénérable Sharipoutra s’adressa en ces termes au Noble Avalokiteshvara, le Bodhisattva Mahasattva : ‘Fils de noble famille, comment doit s’exercer un fils de noble famille ou une fille de noble famille qui souhaite pratiquer la profonde Perfection de Connaissance?’

 

Le Bouddha tout comme Avalokiteshvara sont entrés en samadhi et ils vont maintenant parler de la vacuité, observe Sa Sainteté.

‘Vénérable’ est un terme qui traduit le respect ; ‘Sharipoutra’ veut dire ‘l’enfant de Shari’. Shari était le nom de sa mère et signifie ‘l’oiseau aux 100 langues’. Deux explications ont été données pour son nom : l’une suggère qu’elle avait de beaux yeux comme l’oiseau, l’autre dit que, quand elle est tombée enceinte de Sharipoutra, elle est devenue très intelligente - en particulier pour les débats - et on l’a appelée Shari. Le commentaire de Vimalamitra sur le Soutra du Coeur explique que Sharipoutra est appelé ‘vénérable’ pour marquer le fait qu’il s’est libéré de tous les voiles. Des deux principaux disciples du Seigneur Bouddha, Sharipoutra et Maudgalyana, Sharipoutra excellait en sagesse ; ainsi fut-il le candidat naturel pour poser la question sur la vacuité, mais il posa la question « grâce au pouvoir du Bouddha ». Ici, le pouvoir du Bouddha - des trois pouvoirs du corps, de la parole et de l’esprit - est celui de l’esprit du Bouddha.

 

Ayant reçu la bénédiction du Bouddha, Avalokiteshvara répondit à la question de Sharipoutra. C’est un point très important parce qu’il montre que les soutras du Bouddha n’émanent pas nécessairement du Bouddha lui-même, mais ils peuvent cependant être les paroles authentiques du Bouddha. Le Karmapa examine maintenant l’allégation émanant de nombreux érudits du theravada selon laquelle les enseignements du mahayana ne sont pas les paroles authentiques du Bouddha, mais ont été composés par Nagarjouna. Selon Sa Sainteté, cette opinion peut être contestée aussi bien par la preuve historique que par les soutras du canon theravada.

Au début du bouddhisme theravada, il y avait deux écoles principales, les Sarvastivada et les Mahasanghika.

Les Sarvastivadins disaient que toutes les mises par écrit des paroles du Bouddha pouvaient être classées en 12 catégories : les soutras, les résumés poétiques, les prophéties, les discours et les vers, les déclarations intentionnelles, les récits contextuels, les témoignages de réalisation, les explications historiques, les récits des vies passées, les explications détaillées, les discours merveilleux et les explications définitives. La catégorie la plus importante à prendre en compte ici est l’explication détaillée, qui fait référence à un contenu vaste. Les Mahasanghikas proposaient neuf catégories, qui comprenaient aussi la catégorie des explications détaillées.

Des preuves supplémentaires quant à l’authenticité des textes mahayana viennent de références faites, dans des textes theravadan, à des termes liés au mahayana comme les 10 bhumis ou les 10 paramitas, ce qui sous-entend qu’il devait y avoir un texte à partir duquel ils travaillaient. À partir de preuves historiques, des recherches faites par des savants contemporains datent la naissance du grand maître Nagarjouna à l’année 150 de notre ère environ; la première traduction connue d’un soutra du        mahayana (du sanscrit en chinois), le Soutra exalté sur la Perfection de sagesse, remonte à l’an 179 de notre ère. À partir de ces dates, il est évident que ce soutra a du circuler en Inde avant la naissance de Nagarjouna. Il est donc possible d’affirmer que la philosophie et les textes mahayana n’ont pas été créés par Nagarjouna. Ceci soulève la question de pourquoi les érudits theravadan mettent en doute leur authenticité comme étant les paroles du Bouddha.

Sa Sainteté suggère deux raisons principales :

les enseignements du mahayana sont très profonds et difficiles à comprendre, et ils doivent être rassemblés par les grands bodhisattvas;

le contenu des soutras du mahayana est très vaste, alors que la durée de vie des êtres dans le monde humain est limitée et leur mémoire est médiocre ; aussi nombre de soutras étaient mis sous la protection des yakshas et d’êtres célestes, et conservés dans les royaumes des dieux. Mais les Theravadins ne connaissaient pas leur existence.

 

En conclusion, Sa Sainteté note que, bien que le Soutra du Coeur n’ait pas été énoncé directement par le Bouddha, il contient les bénédictions du Bouddha. Ces bénédictions ont trois aspects, celui du corps, de la parole et de l’esprit. Le Soutra du Coeur appartient aux bénédictions de l’esprit.

Ainsi se termine la session du matin. « Parlons maintenant de l’obtention de l’Éveil », remarqua le Karmapa en rangeant ses notes et préparant le cadre général de la session de l’après-midi.

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